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Ensemble Sillages

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Questions à la compositrice Justė Janulytė

 

À l’occasion du concert QUATUOR.S programmé au Festival Aérolithes, l’ensemble Sillages interprétera la pièce Aria pour quatuor à cordes de la compositrice lituanienne Justé Janulyté. Elle s’est prêtée au jeu d’un court entretien.

 

Vos compositions travaillent souvent des espaces où le son et l’image se rencontrent : que voyez-vous lorsque vous composez de la musique ?

Des auditeur.ice.s, se faisant écho d’un côté à l’autre, tournant ou se déplaçant progressivement de gauche à droite ou en arrière, de haut en bas, se superposant pour former des réseaux denses, palpitants comme des vagues… Ma perception sonore est très liée au mouvement, elle est donc plus cinétique que visuelle.

 

Quels types de paysages peuvent vous inspirer une composition et pourquoi ?

Des eaux, les vagues, les montagnes, des forêts denses, des horizons lointains…

Toutefois je reçois une inspiration plus directe de phénomènes naturels variés qui passent par des transformations, des évolutions, des métamorphoses – des organismes vivants qui grandissent, s’épanouissent et meurent, tout comme mes compositions qui s’appuient sur ces processus.

 

 

Comment en êtes-vous arrivée à composer de la « musique monochrome » pour la première fois ?

Au tout début, il y a une vingtaine d’années, alors que j’étais encore étudiante, j’ai eu plusieurs fois l’occasion d’écrire de la musique pour des formations instrumentales « monochromes », composées seulement d’instruments à cordes, à vent, ou seulement de voix, etc. Très rapidement j’ai senti que c’était mon « habitat naturel ».

Cela m’a permis de développer progressivement une technique particulière de composition micro polyphonique qui traite l’ensemble/l’orchestre/le choeur comme un seul corps où des instruments ou des voix différent.e.s se fondent ensemble autant que possible. Leurs timbres se mélangent tant que ces voix et ces instruments commencent à sonner de façon très similaire, comme s’ils/elles étaient la résonance les un.e.s des autres. Couper toutes les attaques des sons et n’utiliser que les ondes sonores les plus pures fait généralement l’affaire.

 

Aria pour quatuor à cordes est construit tel un labyrinthe : vous arrive-t-il de vous perdre lorsque vous composez de la musique, et si oui, comment retrouvez-vous votre chemin ?

Je pense que se perdre fait partie, et que c’est même le but du processus créatif. Cela permet de repousser à chaque fois ses limites et d’explorer autant de possibilités et de potentialités d’un certain concept ou matériau que possible… Ensuite, je l’espère, l’intuition musicale de chacun.e et un filtrage très personnel des informations générées ou trouvées nous mène vers la sortie la plus convaincante, qui contient le résultat le plus pertinent pour le projet que chacun.e se donne.

 

Vous composez de la musique pour le cinéma : comment le film influence-t-il votre propre processus ?

À vrai dire, je n’ai pas encore composé de musique de films à proprement parler, par manque de temps – seulement des extraits variés de mes pièces écrites plus tôt ont été utilisés dans des films différents, ce que je considère une pratique réussie. Cela aide à éviter une illustration superficielle lorsque l’on cherche à suivre et à contenter la situation cinématographique. Au moment de choisir parmi des musiques déjà écrites, l’on obtient une polyphonie très intéressante des images et de la musique qui étaient à l’origine des outils indépendants : la musique apporte une certaine atmosphère au film mais reçoit également une nouvelle connotation qui n’était pas voulue au moment de la composition.

 

À quel moment de votre processus de composition vous concentrez-vous sur le travail sur l’électronique, lorsque vous l’utilisez ?

Comme ma musique acoustique est déjà très « électronique » dans la manière dont elle est composée, – une sorte d’acoustic electronica avec beaucoup de résonances, de delays, de loops, d’effets de spatialisation sonore, etc.-, et bien si je travaille avec l’électronique, j’imagine qu’elle fait partie intégrante de ma partition, en suivant la même logique. Simplement l’électronique étends considérablement les possibilités à portée de main.